Bureau de poste

Je suis à la Poste.

Je fais la queue.

J’attends mon
tour.

Derrière moi, une dame à lunettes, petite et frisée me dévisage.
Brusquement, elle m'interpelle:

« J’vous connais, vous êtes peintre,
n'est-ce pas? ».

Les autres, dans la file, me reluquent en coin.
Discrètement, j'oscille de la tête pour confirmer ses dires.

Mais, pour la
dame, visiblement, ma réponse, ne lui suffit pas.

Elle insiste lourdement:

« J’vous
ai vu, il y a deux ans, au mariage de ma nièce, vous aviez peinturé une
peinture à toute vitesse en gesticulant comme un beau diable avec de la
musique ! hein ? C’est pas vrai ? » qu’elle hurle
presque.

Je réponds en murmurant: « Oui, oui, », et là, au lieu
d'en rester là, je ne sais pas pourquoi, je lui dis:  « Et comment
va votre nièce depuis son mariage? ».

Malheur ! la frisée,
on dirait qu’elle n’attendait que ça, la voilà qui bouscule tout le monde et
vient se planter devant moi, nez à nez, presque bouche à bouche et c'est avec
une haleine aux effluves marécageuses qu'elle me dit:

1. « Alors qu'elle était
   enceinte, elle a divorcé six mois à peine après son mariage. Son mari se tapait
   ma belle-sœur, la mère de Béatrice ma nièce. A présent, c’est mon frère, son
   père, le cocu quoi ! qu’est au chômage qui s’occupe du p’tit, c’est dur,
   c’est la vie ! », je murmure, « vous avez raison, c’est la
   vie ! ». « Et vous, ça peinturlure toujours ? »
   « Toujours » que je réponds. Alors que c'est mon tour, elle en
   profite pour me passer devant en me disant « excusez moi, je suis
   pressée » , elle est déjà plantée devant le guichet et m'a déjà oublié...…
2. Ibara